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 La position française face à l'Europe de la Défense
La position française face à l'Europe de la Défense
Christian Klipfel, septembre 2003
Les 8 et 9 septembre derniers a eu lieu à Arcachon (France) la première université d'été de la Défense organisée par le Président de la Commission de la Défense de l'Assemblée Nationale française, M. Guy Teissier. Le débat entre les quelques 200 militaires, industriels et spécialistes de ce domaine, s'est concentré sur les questions européennes et a donné lieu, selon le Figaro (10/09/03), aux "éternelles polémiques entre Atlantistes et 'autonomistes'". Le représentant polonais a été vivement critiqué par certains industriels pour les investissements de son pays dans les avions de combat américains Joint Strike Fighter. Les industriels ont critiqué le fait que cette compagnie avait obtenu plus de cinq milliards de dollars d'Investissements européens. Soulignant qu'il s'agit là de choix cruciaux pour notre indépendance stratégique future, M. Teissier a ainsi proposé de taxer les pays achetant hors Europe afin de financer la recherche européenne, qui dispose actuellement de cinq fois moins de ressources que son homologue américaine.
Au-delà de cette rencontre, on peut s'intéresser à l'état d'esprit des autorités françaises près de cinq mois après la déclaration commune avec l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg le 29 avril à Bruxelles souhaitant le développement d'une défense européenne autonome.
Un premier aspect peut être vu dans la mission Artémis en Ituri (Congo) qui, de juin à fin août, a été la première mission militaire de l'Union Européenne hors Europe, sur mandat de l'ONU et sous commandement français. Michèle Alliot-Marie, Ministre Français de la Défense, a souligné (Figaro, 02/09/03) le succès de cette mission et la rapidité de sa mise en place: "La capacité d'action militaire de l'Union n'est plus un projet, elle s'affirme de plus en plus comme une réalité". Mme Alliot-Marie a également évoqué la mission Concordia qui a pris le relais de l'OTAN en Macédoine depuis le 31 mars, ainsi que la possibilité d'une force de stabilisation européenne en Bosnie au début de l'année à venir.
Une vision plus précise de la position française peut être obtenue à travers les interventions du Ministre des Affaires Étrangères Dominique de Villepin et du Président de la République Jacques Chirac lors de la onzième conférence des ambassadeurs français les 28 et 29 août derniers. Trois éléments principaux peuvent être retenus.
La Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD): une priorité
Messieurs Chirac et De Villepin ont tous deux considérés le développement d'une politique étrangère et de défense communes une des priorités de la diplomatie française. Pour M. De Villepin, "l'Union doit se donner les moyens de son autonomie stratégique et assumer pleinement ses responsabilités collectives dans la prévention des conflits et le règlement des crises, (...) elle doit se considérer comme un acteur majeur du système mondial". La France semble ainsi maintenir sa volonté d'intégration européenne dans le domaine de la défense.
Le Ministre des Affaires Étrangères a également rappelé que "tous les États sont invités à participer au renforcement nécessaire de la PESD", lançant ainsi un appel à ses partenaires européens. Il faut noter en effet que la France se trouve quelque peu isolée dans la mesure où les partenaires de la déclaration du 29 avril, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, n'ont pas augmenté pour l'instant leur capacités militaires afin de pouvoir dans l'avenir diriger une force européenne. Mis à part une Grande-Bretagne qui avait admis au Touquet en février dernier la nécessité d'un renforcement des capacités militaires mais est réticente à l'idée d'une défense européenne autonome de l'OTAN, la France est ainsi pour l'instant le seul pays à pouvoir être une "nation-cadre" pour une opération militaire européenne telle que celle en Ituri.
Le domaine de la défense voit également d'autres propositions françaises puisque, le 11 septembre, Mme Alliot-Marie a suggéré la création d'un groupe de travail sur la faisabilité d'une future force européenne de gendarmerie, groupe qui pourrait rassembler, autour de la France, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal. On peut supposer que cette initiative participe également à une volonté française de sortir de son relatif isolement diplomatique en Europe.

    Un second élément important réside dans les relations avec les États-Unis et l'OTAN. M. De Villepin a indiqué "qu'entre l'Europe et les États-Unis, il a y des différences, il serait vain de le nier. Mais sur l'essentiel, les démocraties occidentales restent unies et solidaires". La déclaration commune du 29 avril indiquait que "le partenariat transatlantique demeure une priorité stratégique fondamentale de l'Europe"; lors de la conférence des ambassadeurs, M. Chirac a rappelé que le "lien transatlantique, le partenariat entre l'Europe et les États-Unis, notre premier allié, constituent un élément fondamental de la sécurité du monde."

    En ce qui concerne l'OTAN, le Quartet indiquait le 29 avril: "Nous comprenons nos engagements dans l'Alliance atlantique et dans l'Union européenne comme complémentaires." Devant la conférence des ambassadeurs, M. Chirac soulignait fin août que "mettre en rivalité l'Union Européenne et l'OTAN n'a aucun sens." Le 2 septembre, le Ministre de la Défense confirmait au quotidien allemand Die Welt que "ce que nous souhaitons réaliser est une complémentarité, non une concurrence." Inscrite dans la continuation de la déclaration du 29 avril, la diplomatie française se veut donc conciliante. Les oppositions marquées de la crise irakienne sont relativisées dans le cadre plus général des relations transatlantiques précédent celle-ci.

    Luc de Barochez (Figaro, 30-31/08/03) remarque que le Président de la République avait, dans une "volonté d'apaisement", "gommé de son discours tout ce qui pourrait provoquer la diplomatie américaine". Ceci ne devrait cependant pas être perçue comme un recul. En effet, M. De Villepin souligne qu' "il n'y a pas d'un côté la puissance et de l'autre la faiblesse (...). Il est dans l'intérêt des États-Unis de partager les risques avec l'Europe, et donc les responsabilités. Il est dans l'intérêt de l'Europe de se doter des moyens nécessaires à la traduction concrète de sa vision politique. (...) Le moment n'est-il pas venu d'asseoir un nouveau partenariat euro-américain sur une Charte transatlantique?" Ainsi est affirmée clairement la volonté d'une Europe diplomatique sur la scène internationale et, par là même, une nouvelle ère dans les relations avec les États-Unis est annoncée. Pour Mme Alliot-Marie, "les Américains doivent reconnaître que le monde est basé sur plusieurs centres de pouvoirs, qui tous méritent le respect." (Die Welt, 04/09/2003)

        Un dernier point doit être noté dans la position diplomatique de la France telle qu'elle apparaît lors de la conférence des ambassadeurs français: l'ouverture vers le Royaume-Uni. Dominique de Villepin a souligné que, face à la déclaration commune du 29 avril, "d'autres propositions ont été avancées par nos partenaires, notamment le Royaume-Uni". Il a rappelé qu"'il est évident que les Britanniques, qui ont joué depuis le Sommet de Saint-Malo (1998) un rôle majeur en ce sens, ont une contribution particulière à apporter dans ce domaine", suivi en cela par le chef de l'État. La référence faite par ce dernier à la préparation en France du centenaire de l'Entente Cordiale est également révélatrice de la volonté française de relancer le dialogue franco-britannique et de tendre la main à la Grande-Bretagne afin qu'elle s'engage aux côtés de ses voisins continentaux dans la mise en place d'une défense européenne.

        C'est également dans cette orientation que l'on peut analyser la rencontre entre Messieurs Schröder, Chirac et Blair qui a eu lieu le samedi 20 septembre dernier à Berlin. Comme l'indiquait, Alexandre Adler dans les colonnes du Figaro (18/09/2003), la défense est l'un des domaines où autant Paris et Berlin que Londres ont à gagner d'une coopération européenne. Suite à la rencontre, M. Blair a déclaré: "Nous voyons aujourd'hui que la défense européenne s'applique, s'exerce si l'on peut dire, dans certaines parties du monde", une référence au succès d'Artémis au Congo et à la présence en Macédoine. Il a ensuite ajouté: "je crois que chacun est d'avis qu'il faut aller de l'avant, porter ce processus tout en reconnaissant que la défense européenne et l'OTAN ne sont pas des concepts opposés", rejoignant ainsi le communiqué de presse commun qui soulignait que "toutes les thèses, selon lesquelles la PESD pourrait être dirigée contre l'OTAN, sont absurdes." Ainsi le Premier Ministre britannique s'est rallié à la proposition d'une défense européenne autonome de l'OTAN, a accepté la possibilité qu'elle soit crée par une coopération renforcée, c'est-à-dire sans l'ensemble des membres de l'Union Européenne, même si un désaccord persiste quant à la location définitive du futur Quartier général de l'Union. Quant à la taille du quartier général en question, une capacité de 40 à 50 officiers a été envisagée. De son côté, la France aurait, selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (23/09/03) acceptée de participer à la force de réaction rapide de l'OTAN ainsi que la possibilité pour l'OTAN de renforcer sa présence hors Europe, y compris en Irak. La plupart des quotidiens britanniques, allemands et français ont noté la "percée" que représente cette "entente cordiale" sur l'avenir de la PESD (Süddeutsche Zeitung, Die Welt, Financial Times, Le Monde, Figaro). Malgré la persistance de divergences sur la question irakienne, le quotidien allemand Die Welt (22/09/2003) annonce déjà que le profond fossé entre Européens semble remblayé. En tout cas, le résultat de la rencontre redonne un élan à la proposition commune du 29 avril et sort, en partie, la France de son isolement diplomatique à quelques jours de l'ouverture de la Conférence Intergouvernementale qui doit adopter un texte constitutionnel pour l'Europe.

        Christian Klipfel, septembre 2003.

    Une main tendue au Royaume-Uni

Les relations avec les États-Unis: des "différences" mais un lien toujours fondamental



17, juillet 2006
 
 
 
 
 
 
 

 

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