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 Le temps de la fusion franco-allemande
Le temps de la fusion franco-allemande
est venu
Henri de Grossouvre, septembre 2003
Les signes avant coureurs de la réunion franco-allemande se multiplient : réunion des parlements lors du quarantième anniversaire du traité de l’Elysée, conseil des ministres franco-allemands, projets de double nationalité, volonté d’ouvrir des représentations diplomatiques communes, projets d’armée européenne, projet d’un EADS marine, positions communes à l’ONU… Voilà presque un an, dans les colonnes de la revue Défense Nationale, nous nous sommes prononcés en faveur de la création d’une confédération franco-allemande. Un an avant la formation de la Troïka « Paris-Berlin-Moscou » nous avions publié notre livre éponyme, révélé depuis prémonitoire. Un rapprochement franco-allemand allant jusqu’à la création d’une confédération était déjà à l’étude en 2002 entre le candidat Edmund Stoiber, donné alors gagnant par la plupart des analystes, et les équipes du président Chirac. Après la réélection de ce dernier, l’habilité et la détermination de Dominique de Villepin ont permis de relancer spectaculairement la coopération franco-allemande en panne depuis les années quatre vingt dix et d’établir un climat de confiance avec le gouvernement du chancelier Schroeder. La dernière preuve de cette confiance, passée inaperçue dans la plupart des médias européens, est l’envoi de troupes allemandes au Congo sous commandement français (mission Artemis en Ituri, de juin à fin août, mission européenne sous mandat de l'ONU) une semaine après que le chancelier ait juré qu’il n’enverrait pas un soldat allemand en Irak.
La nécessité de crééer un noyau dur européen
L’Europe est déjà impuissante à 15, comme l’a rappelé récemment le premier ministre belge Guy Verhofstad, le risque est grand de voir le poids politique naissant de l’Union se diluer totalement dans une Europe à 25. Il faut donc parallèlement créer un noyau dur européen afin d’approfondir l’intégration politique européenne. Or, comme le rappelle régulièrement Pascal Lamy, un noyau dur ne peut reposer que sur une base franco-allemande. Comme cela a été évoqué le 21 janvier 2002 par les commissaires Lamy et Verheugen, une confédération franco-allemande aurait une armée commune, des ambassades communes à l’étranger, un siège commun au conseil de sécurité de l’ONU. Cette base franco-allemande dont le poids politique et démographique serait semblable à celui de la Russie permettrait d’établir un réel partenariat stratégique entre l’Union Européenne et Moscou. Bruxelles n’est qu’un partenaire virtuel pour la Russie. Lors de la crise iraquienne, Moscou a attendu que Paris et Berlin adoptent officiellement une position commune en février 2003 avant de les rejoindre. Les pays du Bénélux appartiennent naturellement à ce noyau dur européen. La Belgique et le Luxembourg sont d’ores et déjà partie prenante des projets d’armée européenne dont l’Eurocorps sera la base. Deux grands Européens issus de cultures politiques pourtant fort différentes, ont souligné l’importance pour l’Europe de la réunion préalable franco-allemande. Le général de Gaulle, en 1943, lors d’une discussion avec Othon de Habsbourg, souhaitait l’abolition du traité de Verdun de 842 qui avait partagé l’empire de Charlemagne, « afin de réunir enfin Francs de l’Ouest et Francs de l’Est ». Le comte de Coudenove-Kalergi (1894-1972) insistait quant à lui dès 1922 et pour les mêmes raisons dans « Pan-Europe » sur la nécessité de l’unification préalable franco-allemande.
Le rôle historique et géopolitique de l’Etat franco-allemand
Depuis le Moyen Age, la qualité de la relation franco-allemande décide de la paix ou de la guerre sur le continent. Des siècles durant la France et l’Angleterre se sont opposées. Le grand ennemi des Capétiens furent les Plantagenets, puis Français et Anglais s’opposèrent durant la guerre de cent ans, et enfin durant ce que les historiens ont appelé la seconde guerre de cent ans (1689-1815). L’antagonisme franco-allemand semble en comparaison bien éphémère, il dure 75 ans, de 1870 à 1945. La France et l’Allemagne sont les deux pivots de l’Union Européenne. La France est au centre de l’Europe de l’Ouest, stable grâce à ses appuis méditerranéens et atlantiques et ses renforts des Alpes et des Pyrénées. Elle est le seul pays européen participant à la fois de l’Europe du nord et de l’Europe méditerranéenne, tout en ayant une façade atlantique. L’Allemagne est le pivot dynamique de l’Europe centrale, la voie de passage obligé entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest. La France a la fois une vocation méditerranéenne et une vocation rhénane. Les Français et les Allemands ont une partie de leur histoire commune, l’empire des Francs. Ensemble, Français et Allemands sont le passage obligé économique et politique de l’Union Européenne. Les héritiers de l’empire carolingien ont toujours été économiquement et culturellement en avance sur le reste de l’Europe. L’Europe à 6, correspond d’ailleurs exactement à cet empire carolingien, à l’exception de l’Italie du sud. L’empire carolingien symbolise l’unité européenne perdue. Comme le rappelle Igor Maksimychev, les cultures françaises et/ou allemandes sont la matrice de toute culture européenne. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le moteur franco-allemand de l’Europe n’a jamais empiété sur les intérêts des plus petits pays. La classe politique du Luxembourg et de la Belgique joue un rôle clé dans les institutions européennes. Il serait plus pertinent de se demander si l’avant-garde franco-allemande ne limite pas la marge de manœuvre des plus grands pays. Telle a été l’opinion de la Grande-Bretagne, qui a toutefois toujours rejoint les divers trains européens après quelques années d’hésitation. Aujourd’hui, alors que les élites politiques et économiques anglaises remettent en cause violemment les décisions de Tony Blair et surtout les grandes orientations stratégiques britanniques, il importe plus que jamais d’associer Londres, autant que faire se peut, aux initiatives franco-allemandes. Une défense européenne ne serait pas crédible sans l’Angleterre. Les anglais peuvent demeurer le caniche de Georges W. Bush, selon l’expression cruelle employée par la presse britannique, ou devenir le lion de l’Europe.
L’histoire s’accélère et le temps nous est compté. Si l’Europe ne veut pas rester un géant économique, mais un nain politique, il importe de créer rapidement un noyau dur sur la base d’une confédération franco-allemande. L’allemand devra devenir une langue obligatoire pour toute personne souhaitant entrer dans la fonction publique française, comme le français sera obligatoire pour la fonction publique allemande. Ce projet ambitieux conforme à l’histoire et aux intérêts de l’Europe toute entière est susceptible de mobiliser l’enthousiasme de nos populations.
Henri de Grossouvre
21 septembre 2003.

17, juillet 2006
 
 
 
 
 
 
 

 

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